La COVID-19 et les baux commerciaux
Par : Tejpaul Grewal, associé chez Lawrence, Lawrence, Stevenson LLP
La pandémie de COVID-19 a eu des effets considérables sur le commerce mondial, en particulier sur les propriétaires et les locataires commerciaux. Les entreprises admissibles à l’Aide d’urgence du Canada pour le loyer commercial (AUCLC) ont bénéficié d’une interdiction temporaire des expulsions du 1er mai au 30 octobre 2020 qui a été prolongée jusqu’au 31 janvier 2021 en Ontario. Au moment de la rédaction de cet article, on ne sait pas encore si cet interdit sera prolongé à nouveau, mais cela est probable.
Certaines entreprises ont eu la chance de pouvoir faire travailler leurs employés à domicile, mais celles pour qui cette avenue était impossible ont été et continuent d’être gravement touchées par les restrictions qu’a imposées le gouvernement provincial pour lutter contre la propagation de la COVID-19.
Tout bail commercial assigne des responsabilités spécifiques au propriétaire et au locataire. Pour le locataire, la plus importante est l’obligation de payer le loyer et d’exploiter son entreprise en continu dans les locaux loués. Or, avec la COVID-19, les parties doivent maintenant prendre soin de répondre aux préoccupations découlant de l’éventuelle incapacité d’une entreprise de continuer à fonctionner comme elle le faisait avant l’imposition de restrictions par le gouvernement. Ces restrictions n’étaient généralement pas prévues dans les contrats avant 2020, mais elles occuperont désormais une place centrale dans la négociation de nouveaux baux.
La restriction la plus évidente est celle qui affecte les petites entreprises incapables de mener leurs activités normales dans les locaux loués en raison d’un mandat du gouvernement d’interrompre ces activités jusqu’à la fin d’un confinement. L’un des exemples les plus criants est celui des centres de remise en forme et des gymnases, qui ont été fermés en raison de la COVID-19. Un tel locataire exclura d’un bail ou limitera toute clause d’activité continue s’il est empêché de le faire par des restrictions gouvernementales.
Le propriétaire peut résister à cette idée, mais il doit être préparé à la possibilité que le locataire ne puisse exploiter son entreprise en raison d’un confinement. Il pourrait donc envisager d’assouplir la clause d’utilisation pour permettre des utilisations accessoires, comme le travail de bureau ou l’entreposage, ou encore pour permettre au locataire d’utiliser ou d’agrandir l’espace à des fins commerciales différentes.
La plupart des baux définissent et limitent l’activité commerciale spécifique que le locataire est autorisé à exercer dans les locaux loués. Cependant, permettre à un locataire de s’engager dans des activités connexes, comme permettre à un restaurant qui ne fait que de la salle à manger d’offrir un service à emporter ou de faire manger ses clients dans des aires communes, pourrait aider le locataire à payer son loyer.
Le gouvernement provincial a demandé aux propriétaires de collaborer avec leurs locataires pour que ceux-ci ne s’endettent pas excessivement s’ils ne peuvent pas payer tout leur loyer. Or, cela peut imposer une charge excessive aux propriétaires qui comptent sur ces loyers pour s’acquitter de leurs propres obligations. Certains propriétaires ont demandé à un locataire de ne payer que les taxes et les frais d’entretien et d’assurance (le « loyer supplémentaire »), puis d’élaborer un échéancier de paiement pour le loyer de base que le locataire paierait normalement, mais dont il n’a plus les moyens en raison des restrictions de l’État. Ces ententes d’abstention sont censées être temporaires et doivent être rédigées de sorte que les obligations des parties sont claires et sans ambiguïté.
S’adapter au changement
Le propriétaire qui cherche à conclure une location commerciale devrait parler à un avocat afin de structurer un bail qui lui permet d’exiger de son locataire qu’il mette en place des procédures de santé et de sécurité en cas d’urgence sanitaire. Par exemple, il faudrait : obliger le personnel et les visiteurs qui entrent dans les locaux loués à consentir à un contrôle de la température ; s’assurer que le locataire a mis en place des protocoles d’assainissement adéquats et suit les directives de la santé publique ; et assurer le respect des politiques relatives au port du masque, entre autres mesures.
Les propriétaires doivent également se familiariser avec les clauses de force majeure incorporées dans un bail commercial. Une discussion détaillée sur ce sujet se trouve dans la chronique du 4 mai 2020, « Contracts and COVID-19 », dans cette publication de mon collègue Louis Vouloukos.
Aujourd’hui plus que jamais, les propriétaires doivent s’assurer que les locataires potentiels disposent d’un capital et d’une assurance adéquats pour rester à flot si leur entreprise est touchée par un arrêt temporaire des activités. Toutefois, l’assurance contre les interruptions d’activité n’est souvent pas offerte en cas de pandémie ou d’autre calamité, de sorte qu’un examen approfondi des polices d’assurance du locataire devrait être entrepris lors de la négociation du bail commercial.
La perception d’un acompte, par exemple, n’a rien de nouveau pour les propriétaires commerciaux lorsqu’ils envisagent de louer. Généralement, un locataire fournira un mois de loyer à titre de garantie. Dans le contexte actuel, on pourrait envisager de demander un montant plus important. La nature de l’entreprise devrait également être évaluée pour déterminer le dépôt de garantie, à savoir : l’entreprise peut-elle demeurer opérationnelle et rentable pendant les restrictions ? D’autres facteurs seraient également pris en compte, comme la relation entre le propriétaire et le locataire : est-elle nouvelle ou bien établie ?
La loi et la politique publique continueront d’évoluer à mesure que nous composerons avec les réalités de la COVID-19. Pour les propriétaires et les locataires commerciaux, il est essentiel d’avoir un bail préparé et examiné par un avocat en location commerciale, pour s’assurer que les éventualités sont en place, afin de minimiser les pertes pendant une période de marasme économique et les effets sans précédent que la pandémie mondiale de COVID-19 a entraînés.