Risques, éthique et innovation. Comment le fabricant de meubles québécois South Shore a prospéré en temps de crise

Ambre O. Khiari

Fondé en 1940 à Sainte-Croix, au Québec, le fabricant de meubles South Shore a surmonté de nombreux défis, notamment la pénurie actuelle de main-d’œuvre et la rémunération mondiale qui n’a pas facilité la vie de la plupart des entreprises. Mais grâce à la gestion attentive de son service des ressources humaines et à sa volonté d’adopter des technologies novatrices, South Shore a su tirer son épingle du jeu. En fait, au printemps 2022, après 80 ans de production de mobilier d’intérieur pour le résidentiel et les bureaux, l’entreprise s’est agrandie avec une nouvelle collection d’extérieur.

« Les deux dernières années ont considérablement augmenté le désir et le besoin de vouloir meubler correctement son espace extérieur pour profiter pleinement de chaque rayon de soleil », a récemment déclaré la vice-présidente de l’expérience consommateur Nicole Basenach au journal Le Soleil. « Notre offre arrive donc au bon moment ! »

La décision de s’agrandir pendant une pandémie illustre la flexibilité, la capacité d’adaptation et l’engagement de South Shore envers ses employés en temps de crise. Alors que d’autres usines fermaient leurs portes et renvoyaient leurs employés chez eux, South Shore saisissait les opportunités virtuelles, élaborait des plans d’expansion et s’assurait que chacun de ses 1 000 employés se sentait connecté et soutenu.

« Nos valeurs ce ne sont pas juste des mots écrits sur le mur, » dit le PDG Jean Laflamme – des valeurs incluant le fait d’agir de façon éthique et authentique. De fait, avant que l’aide du gouvernement canadien ne soit disponible, l’entreprise est allée de l’avant et a payé tous ses employés en totalité. Elle a également fait don de meubles, d’argent et de services à 5 000 bénéficiaires en 2021, par l’intermédiaire de sa fondation dédiée à l’aide aux jeunes et aux familles.

Bien sûr, pour obtenir des résultats probants et adopter une mentalité axée sur les personnes, Basenach souligne que les entreprises doivent disposer de ressources dédiées à l’innovation. « Il faut aussi pouvoir faire des erreurs », dit-elle. « C’est pourquoi nous avons un budget réservé à ce travail plus risqué. Pour être innovante, une entreprise ne peut pas se contenter de regarder la rentabilité à court terme. »

Outre le lancement d’un service de vente en ligne, d’autres changements ont été nécessaires pour faire face à la pénurie de personnel, notamment l’externalisation d’une partie de sa production vers une usine de Juárez, au Mexique, et l’accueil de 12 travailleurs de l’usine de Juárez au Québec.

« Si nous n’avions pas d’usine au Mexique à l’heure actuelle, il est clair qu’y déménager serait une solution au problème de main-d’œuvre auquel nous sommes confrontés », a déclaré Jean-Stéphane Tremblay, président et directeur de l’exploitation au Journal de Montréal en février 2022. « C’est une bonne chose pour nous. Ce sont des gens que nous connaissons et qui travaillent déjà pour notre entreprise. Ils connaissent nos procédés, nos machines. Ils viennent ici et ils peuvent commencer à travailler immédiatement. Nous leur avons donné des cours de français au Mexique. Nous avons acheté deux maisons pour les accueillir. »

Automatisation et robotique

South Shore s’est tournée vers l’innovation bien avant COVID-19. En 2004, par exemple, elle a lancé ses premières ventes en ligne de meubles pré-assemblés (avant IKEA) pour faire face au marché chinois. Aujourd’hui, l’entreprise expédie un million de meubles par an en Amérique du Nord via Amazon, Wayfair et d’autres sources. Plus récemment, l’entreprise a « automatisé et robotisé » certaines tâches en travaillant avec des centres de recherche et des entreprises de robotique. Elle dispose également d’un nouveau processus de finition numérique dont l’implémentation est prévue avant la fin 2022.

Comme l’a déclaré à La Presse Luc Sirois, l’innovateur en chef du Québec : « Il faut avoir quelqu’un qui se consacre entièrement, ou du moins en grande partie, à l’innovation dans une entreprise. Si l’innovation ne fait pas partie de la description de tâches de quelqu’un, rien n’avancera parce que tout le monde finira toujours par avoir des choses plus pressantes à faire. »

Un concept qui ne passe pas inaperçu dans les esprits à South Shore, où une « cellule d’innovation » de six personnes se concentre sur les opportunités en matière de technologie, Basenach souligne qu’elle a déjà dû compter sur l’innovation une ou deux fois auparavant :

« Nous avons toujours su que nous devions constamment innover, que ce soit avec de nouveaux produits, nos processus ou notre modèle d’affaires. »

Malheureusement, la pandémie a provoqué des retards inévitables – le principal obstacle à l’avancement étant le manque de personnel. Comme l’explique à La Presse Sylvie Pinsonnault, première vice-présidente, Stratégies, innovation et développement durable, à Investissement Québec-CRIQ : « L’entrepreneur pris dans la routine du quotidien n’a pas beaucoup de temps à consacrer aux changements à apporter et nous sommes là pour l’accompagner. Nous offrons un moratoire sur le remboursement du capital qui peut aller jusqu’à 48 mois parce que nous savons qu’il faut du temps pour voir les bénéfices d’un projet d’automatisation ou de robotisation », dit-elle. « Il faut penser à faire les changements les plus écologiques possibles, car encore une fois, il est important de rester compétitif. De plus en plus, les appels d’offres contiennent des aspects de développement durable. Nos entreprises doivent adhérer au mouvement planétaire. »

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